Thème 2024 : « Je veux qu’on vienne ici en procession »

Nous sommes le mardi 2 mars 1858 à Lourdes devant la grotte de Massabielle. Il y a plus ou moins 1650 personnes. Bernadette est présente. Il ne faudra pas attendre longtemps pour voir son visage s’illuminer…. dès lors tous ceux qui sont là comprennent que la dame s’est présentée à elle. Puis Bernadette range son chapelet, et s’approche du rocher, vers la droite. Nous saurons plus tard qu’Aquèro lui a confié une mission : « Aller dire aux prêtres, que l’on vienne ici en procession et qu’on y construise une chapelle ! »

Après l’apparition, elle ne traîne pas. Accompagnée de deux de ses tantes, Bernarde et Basile, Bernadette se rend au presbytère de Lourdes, chez Monsieur le curé Peyramale qu’elle rencontrera pour la première fois. C’est à lui qu’elle doit transmettre la demande de la dame. Mais face à un curé qui n’est pas du tout chaleureux, Bernadette est troublée et oublie une partie de la demande. En effet, celui-ci ne veut savoir qu’une chose : le nom de la Dame. Il exige en plus une preuve : voir fleurir en plein hiver le rosier (l’églantier) de la Grotte. Il lui faudra retourner l’après-midi pour le rencontrer de nouveau. En sortant, elle confiera à Dominiquette, la sacristine : « Je suis bien heureuse, j’ai fait ma commission ».

En 1958, pour le centenaire des apparitions, Mgr Pierre-Marie Théas, évêque de Tarbes et Lourdes, dira de cette 13ème rencontre : « Cette consigne de la Dame, Bernadette seule l’a entendu. Seule, elle la transmet. Et voici que depuis un siècle, obéissant à Bernadette, l’Église organise des pèlerinages vers Massabielle.

Si Bernadette n’avait pas été Bernadette, Lourdes ne serait pas devenu le rendez-vous de l’univers chrétien.

Bernadette est la seule à nous avoir révélé Lourdes… Dieu se livre à une âme de choix, mais Il ne se livre qu’à elle. Elle lui suffit. C’est à partir de ce petit être méprisé que l’énorme mouvement de foules commence, qui ne va plus cesser de déferler du monde entier. Ce petit être à lui tout seul déclenche l’énorme aventure. »

Donc, depuis de plus de 150 ans, le flux des pèlerins à la grotte de Massabielle et la dimension internationale de leur provenance, atteste que la rencontre qui a bouleversé la vie de Bernadette transforme aussi leur existence. Les pèlerinages, les processions, chaque démarche va au-delà de la simple curiosité et de la recherche du merveilleux. Nous sommes TOUS ensemble des chercheurs de Dieu.

  • En quoi cet appel de Marie à venir en procession, parle-t-il à notre humanité ?
  • Quelle espérance a poussé tant de chrétiens à se mettre en route ?
  • En quoi ce mouvement visible à Lourdes nous rejoint-il personnellement ?
  • Que me dit-il sur l’action de Dieu aujourd’hui dans ma vie?

Procession et pèlerinage

Lors de cette 13e apparition, Aquèro parle à Bernadette de « procession ». Elle s’adresse à elle en bigourdan. Dans ce dialecte, pour parler de procession et de pèlerinage, on utilise le même mot. Depuis 1858, une foule ininterrompue de pèlerins chemine vers le rocher de Massabielle.

En quoi ce mouvement que l’on contemple encore aujourd’hui, et auquel nous prenons part, nous rejoint-t-il ?

La procession, le pèlerinage, est un signe de la nature profonde de l’Église, qui est en marche depuis que le père a envoyé le fils. Cette marche se poursuit sans interruption et définit entièrement l’Église, envoyée pour annoncer le Christ comme l’unique rédempteur de l’homme : de tout homme, de l’homme tout entier. C’est le peuple de Dieu en marche avec le Christ et, à sa suite, qui, conscient de ne pas avoir de demeures stables dans ce monde, avance vers la Jérusalem céleste.

Chaque procession est aussi un signe du témoignage de foi que nous devons donner au Seigneur là où nous vivons. Chaque procession rappelle aussi que nous sommes en chemin. Notre présent est un chemin, le temps qui nous est donné est un temps de décision. Notre futur, c’est le Père.

La procession est aussi une expérience communautaire. C’est un parcours où l’on avance ensemble. Ceux qui participent sont impliqués dans le même climat de prière, unis dans le chant, tourné vers le même et unique but. Nos processions vécues ici à Lourdes pourraient être aussi l’occasion d’un renouveau de la charité dans la vie de nos communautés paroissiales. Ainsi, ceux qui sont les plus faibles, les affligés par la vie, ceux dont le corps et le cœur sont blessés par la souffrance qui souvent ne se voit pas, pourront trouver leur place.

Marie a demandé que l’on vienne en procession et qu’une chapelle soit bâtie ici, c’est tout un peuple en marche. Sa force et son énergie spirituelle, il la puise dans les sacrements. Il devient ainsi peuple de Dieu vers la nouvelle Jérusalem.

Jean-Paul II ajoute : « Pour le pèlerin, le sanctuaire vers lequel il se dirige doit devenir par excellence la tente de la rencontre, comme la Bible appelle le tabernacle de l’alliance. »

Un chemin de conversion

Marcher ensemble sur les traces du Christ, dans la foi, avec nos expériences, nos attentes, nos questionnements symbolisent bien notre vie terrestre. Nous sommes pétris de terre et notre marche sur cette terre n’est rien d’autre qu’un pèlerinage vers la destination définitive, vers notre demeure définitive la Jérusalem céleste ». Marcher ensemble dans la foi, c’est espéré, peut-être, un changement sur le plan existentiel, c’est faire une expérience de conversion, c’est choisir entre soi-même et Dieu.

Au cours de la huitième apparition, le mercredi 24 février, la dame avait introduit Bernadette dans ce chemin de conversion à travers un message austère : « Pénitence ! Pénitence ! Pénitence ! Priez Dieu pour les pêcheurs ! Allez baiser la terre en pénitence pour les pêcheurs ! ». Le mot pénitence que l’on peut traduire par «convertissez-vous» que l’on retrouve dans le livre des actes des apôtres (2,38). La Vierge Marie s’adressant Bernadette a reprit l’invitation à la conversion qui inaugure la prédication de Jésus dans l’Évangile. Avant Jésus, se convertir signifie toujours «revenir en arrière». Le terme juif veut dire : faire demi-tour, revenir sur ses pas. Il indiquait l’acte de celui qui, à certains moments de sa vie, s’aperçoit qu’il fait fausse route. Alors il s’arrête, change la vie, et décide de revenir à la stricte observance de la loi. Mais sur les lèvres de Jésus, le sens change. Se convertir ne signifie plus revenir en arrière mais pour signifie plutôt faire un bond en avant et entrer dans le royaume, saisir le salut donné aux hommes gratuitement. Ce n’est pas : convertissez-vous et le règne viendra parmi vous, le Messie arrivera mais convertissez-vous parce que le règne est venu, il est au milieu de vous.

À Lourdes, nos processions, nos pèlerinages nous conduisent à la grotte ou devant le Saint-Sacrement. Bernadette, se mettait à genoux, et nous aussi si nous pouvons. Mais notre démarche sincère ne s’achève pas pour autant. Des lors commence, un nouveau cheminement un pèlerinage intérieur plus long et plus ardu sans doute, mais qui peut changer nos vies.

Le psalmiste rappelle : « Montre-moi ton chemin, Seigneur, que je marche suivant ta vérité » (Ps 85,11). Tant de nos contemporains, plongés dans l’éclipse de Dieu, le pensent loin de nous. Mais nous, nous sommes convaincus de sa présence à nos côtés. La reconnaître, c’est le début de notre pèlerinage intérieur. Dieu nous a donné des modèles. Les saints de tous les temps sont pour nous l’Évangile vécu, ils ont été au cours de leur vie, la joie de Dieu. Ils sont maintenant comme un sillon lumineux. Il nous indique la marche à suivre pour que nous aussi nous devenions chrétiens.

Si notre pèlerinage intérieur doit avoir les mêmes caractéristiques que celui de Bernadette, il devra également se traduire par des gestes pratiques et concrets. Nous ne pouvons pas nous contenter de bons sentiments ou de déclarations d’intention.

Les pèlerins et les processions à la grotte

Bernadette fut la première à venir en procession à la grotte. Ensuite, de nombreux Lourdais et des personnes des environs toujours plus nombreux s’y rendront, pour prier ou par simple curiosité. Mais l’église ne se prononcera pas toutes de suite. Le 18 janvier 1862, l’évêque de Tarbes, Mgr Laurence publie le mandement reconnaissant les apparitions de Lourdes et se proposant de construire un sanctuaire.

Pendant plus d’une année, les pèlerinages resteront d’ordre privé en petits groupes. Cependant, un capucin, le Père Marie-Antoine, qui était venu en pèlerinage à Lourdes lors d’une mission d’évangélisation, se souvenant que Bernadette venait à la grotte un cierge la main, improvise la première procession flambeau : « Il faut que ces cierges marchent et chantent ». Aussitôt dit, aussitôt fait. Chacun est invité à prendre l’un des cierges. Dans leurs mains, ses flambeaux dessinent un demi-cercle devant la grotte, au chant de l’Ave Maris Stella. Le lendemain, c’était une centaine de cierges, puis des milliers et des milliers…. Ainsi est née la première procession flambeau. Puis viennent les grands pèlerinages régionaux et, en 1872, le premier pèlerinage national dit des bannières, qui va réunir 60.000 pèlerins. Et depuis lors ce sont des millions de pèlerins qui sont venus à la grotte en procession.

Ces moments de marche deviennent une opportunité de connaissance et de dialogue, de partage et de communauté. Il s’agit aussi d’une expérience singulière d’humanité. «De toutes les nations, ils ramèneront tous vos frères et sœurs en offrande au Seigneur ». (Isaïe 66,20)

Aller vers la grotte, aller vers le rocher

Toucher la paroi du rocher poli par des millions de caresses, y coller ses mains et son front dans une supplication muette, ou lever les yeux vers le creux du rocher où Marie s’entretenait avec Bernadette pour dire les choses dont leur cœur est plein, faire aussi les commissions de parents, de voisins, d’amis qu’ils présentent de leur mieux à la vierge, ce sont des gestes d’espérance.

Toucher le rocher, c’est un peu toucher Dieu, s’appuyer sur lui qui est solide comme le roc, le Dieu fidèle. L’Évangile parle d’une maison qui est bâtie sur le roc (Mt 7,24). Les malades et les personnes handicapées, les pauvres et les petits, ceux qui ne se sentent pas aimés, les personnes seules, abandonnées, abusées, tous les blessés de la vie venus en nombre à Massabielle veulent bâtir sur le roc. Ils sont là, car ils savent que dans les moments difficiles, il existe une force sur laquelle ils peuvent s’appuyer : « Dieu, mon seul espoir ». C’est avec cette confiance qu’ils ont de se mettre en procession, permettant ainsi à l’amour de Dieu de dilater leur cœur aux dimensions de l’humanité.

«Il faut se mettre en marche, sinon on s’assoit, on pleure, on meurt !!!» Cardinal Bustillo

L’église est synodale parce qu’elle est une communion. Cette synodalité apparaît admirablement dans les processions de Lourdes. Un peuple en marche, ensemble à la suite du Christ.

Comme vous le savez, il existe deux grandes processions du sanctuaire : la procession eucharistique et la procession flambeau.

La procession eucharistique

L’eucharistie concentre en elle toute la foi, le culte et la vie concrète de l’église. Marie à Lourdes veut conduire ses enfants à Jésus. À Jésus présent dans l’eucharistie. Dans ces moments de grâce, Jésus est parmi nous. Il est le pain de la vie, le pas de notre pèlerinage terrestre. Lors de la procession eucharistique, au moment de la bénédiction, le Seigneur descend parmi son peuple, parmi les malades pour leur apporter le réconfort, le soutien. Il est réellement parmi nous.

La procession flambeau

Cette procession nous rappelle que « Dieu est lumière et, qu’en lui, il n’y a pas de ténèbres ». Et que ce peuple en marche, c’est l’église qui a pour mission de propager la lumière et la répandre dans le monde …. nous sommes la lumière du monde, nous dit le Christ. Cette lumière qui brille dans la nuit des hommes, cette lumière du Christ qui illumine leur existence. Ces flammes des flambeaux qui crépitent sont toutes les prières : prière de pauvres malades qui se consument de souffrance, prières désolées de mère pour leur enfant, prières d’absents qui n’ont n’ayant pu confier leurs recommandations et qui se sont fait représenter par un cierge. Les flammes ardentes parlent d’infirmité, de malades, de chagrin, de conversion, d’appel désespéré à la paix. Toute la prière d’un peuple en marche avec Marie.

Pèlerins de l’espérance :

En vous mettant en chemin pour venir à la grotte des apparitions, vous vous inscrirez dans cette longue suite d’hommes et de femmes qui se sont mises en marche vers l’espérance.

À peine vous êtes mis en route, vous avez découvert que vous n’étiez pas seuls à avoir entrepris cette aventure et que d’autres portent en leur cœur les mêmes attentes et surtout vous avez fait l’expérience que l’église est un peuple en marche.

Pour découvrir l’action de Dieu aujourd’hui dans ma vie au cours de notre pèlerinage, il nous faudra méditer et contempler les actions de Dieu, parler avec lui dans la prière, accueillir sa bonne nouvelle, vivre les sacrements en recevant son pardon et en communiant à ce corps. Il nous faudra aussi nous mettre en marche avec nos frères et sœurs dans la foi et enfin. Il nous faudra apprendre à le reconnaître, à l’accueillir le servir dans les pauvres, les malades et les petits comme le fit la dame avec Bernadette qui pouvait dire : «Elle m’a regardé comme une personne regarda une autre personne». La charité dans le service, voilà le fruit le plus beau du pèlerinage.

André

Présentation du thème d’année aux Amis de Lourdes du Tournaisis – 10/03/2024

Sources :

  • Lourdes 2024 – Allez dire aux prêtres que l’on vienne [ici] en procession – Sanctuaire de Lourdes
  • Les catéchèses de Lourdes « …Que l’on vienne en procession »
  • Lourdes en procession – Régis de la Teyssonnière

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